Lastratégie d'anéantissement, fondée sur la destruction des forces ennemies,s'impose-t-elle nécessairement lors d'une guerre ? Les Allemands en furentconvaincus à partir de leur victoire de 1870, et ils interprétèrent Clausewitzen ce sens. Illustrée par Moltke, cette doctrine fut érigée en dogme. Elleinspira Ludendorff qui, en 1914-1918, vit dans la guerre totale l'ultimeplanche de salut.
Oril y eut, dès les années 1880, une voix pour contester cette conception de laguerre, celle de Hans Delbrück. En 1890, l'année où tout bascule, avec ladisgrâce de Bismarck et l'avènement de la Weltpolitik duKaiser, Delbrück publie La Stratégie de Périclès. Il y rappelle ce qu'onavait oublié ou négligé : qu'à côté de la stratégie d'anéantissement,Clausewitz en avait envisagé une autre, visant à user la volonté de vaincre del'ennemi. Et Delbrück démontre que la stratégie de Frédéric le Grand commecelle de Périclès participaient de cette seconde espèce de guerre, queClausewitz n'avait pas eu le temps de théoriser.
Delbrück ne fut pas écouté, mais l'Histoire fut plus sévère encorepour ses détracteurs, qui conduisirent le Reich à la défaite de 1918. RelireDelbrück aujourd'hui, dans une Europe qui doute d'elle-même, c'est redécouvrirune pensée rigoureuse mais passionnée, nourrie aux sources de l'Europe desLumières comme du classicisme athénien. C'est se remémorer l'idée fondamentalede Clausewitz, la subordination de la guerre à la politique et, contre lefatalisme de l'ascension aux extrêmes, faire le pari de l'intelligence.
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Hans Delbrück(1848-1929), historien, fut l'une des grandes figures intellectuelles del'Allemagne wilhelmienne. Il dirigea de 1889 à 1919 la revue Preußische Jahrbücher. Son œuvreprincipale est l'Histoire de l'art dela guerre dans le cadre de l'histoire politique (4 volumes,1900-1920).